De Katherine à Broome : La conquête de l’Ouest

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Rivage du Kimberley

État le plus sauvage d’Australie, aux distances faramineuses et aux conditions climatiques brûlantes, l’Australie-Occidentale surprend et émerveille par ses immenses plages désertes, ses parcs nationaux indomptés et ses contrastes de couleurs. De Katherine, la route vers l’ouest dévoile, dans un pays de crocodiles et de bassins tropicaux, les détonantes Bungle Bungle, et trace sur des pistes cahoteuses désertiques, une aventure de près de 2000 kilomètres jusqu’à Broome, capitale dynamique du Kimberley.

Sans rien ni personne, un petit Grand Canyon et le Tiers-Monde

Katherine, croisement des aventures vers le nord (Darwin,Kakadu), le sud (Alice Springs, Uluru), l’est (Townsville, Cairns) et l’ouest (Broome, Perth).

Dernier rempart citadin avant la solitude du désert. Dans la troisième ville du Territoire du Nord, peuplée de seulement 9 000 âmes, la vie paraît figée dans une monotonie et une résignation, marquée par un soleil brûlant et un isolement géographique. La ville vit de sa base aérienne, des fermes (principalement des mangues), mais surtout du tourisme grâce aux magnifiques Katherine Gorge au sein du Nitmiluk National Park.

Katherine Gorge, Australie
Katherine Gorge, Australie

Pourtant, sur l’artère principale, les Aborigènes se regroupent et crient, le visage marqué par l’alcool. Les sourires sont rares et les yeux sont imprégnés de colère ou de fatigue.

Une police spéciale, « la police de communauté », composée d’Aborigènes respectés, tente de résoudre les problèmes. Mais la situation sociale est alarmante. Dans le Territoire du Nord, 32,5% de la population est Aborigène, contre seulement 2,7% pour l’ensemble de l’Australie. C’est dans cette même région que l’on recense, en proportion, le plus grand nombre d’alcooliques. À quelques kilomètres d’une nature luxuriante et de gorges baignées de touristes, les indigènes nourrissent le sentiment de visiter un pays du Tiers-Monde… Dans la nuit noire, sur la Victoria Highway en direction des merveilles de la côte ouest, il y a cet autochtone sur le bord de la route, allongé les bras en croix, éteint par l’alcool, comme mort.

Perth, est considérée comme la grande ville la plus isolée au monde.

Bienvenue en Australie-Occidentale ! L’ouest sauvage… La deuxième région administrative la plus grande au monde, un tiers de la superficie de l’Australie et seulement 2,2 millions d’habitants. Sa capitale, Perth, est considérée comme la grande ville la plus isolée au monde. Encore épargnée du tourisme de masse, l’ouest répand des rumeurs, des doux secrets de plages paradisiaques, d’un blanc nacré, d’une eau turquoise et ­de requins-baleines… De forêts aux arbres géants, de rochers ocres et de gorges tropicales… De villes de western, perdues dans l’outback, et déchues après la ruée vers l’or… À travers des centaines de kilomètres au milieu de nulle part, il y a une place pour chaque rêverie, chaque imagination et chaque voyageur à l’ouest.

Après 512 kilomètres de route sauvage sans âme qui vive depuis Katherine, Kununurra, petite ville de 6 000 habitants, mérite une halte d’une journée. Mignonne avec une ambiance de village, Kununurra est surtout entourée du dépaysant Mirima National Park, ensemble de formations de rocs datant de plus de 350 millions d’années. Trois courts sentiers de randonnée laissent une impression de petit Grand Canyon, ou plutôt de Bungle Bungle pour les locaux, en se baladant sous les déroutantes roches rouges à travers le bush du parc. En ville, hormis les quelques galeries d’art aborigène du Kimberley, se situe des distributeurs ATM, un supermarché Coles et un petit café aux patrons agréables, le Wild Mango, avec accès Wi-Fi gratuit.

Un pays de crocodiles, la légende de Jandamarra et un film d’horreur

Au nord-ouest de l’Australie, de Kununurra à Broome, s’étend le vaste et farouche Kimberley.
Sauvage, aux températures et conditions climatiques extrêmes, la région déploie des contrastes naturels merveilleux, faits de gorges aux eaux profondes, de routes désertiques et de rochers rougeoyants. Après Kununurra, le Purnululu National Park, classé au Patrimoine mondial, déploie les fameuses Bungle Bungle Range, imposantes roches ocres et noires, entourées de peintures aborigènes et de piscines naturelles.

Les Bungle Bungles dans le parc de Purnululu
Les Bungle Bungles dans le parc de Purnululu

À 150 kilomètres de la localité de Halls Creek, se situe le deuxième plus grand cratère de météorite du monde, Wolfe Creek. Popularisé par un (bon) film d’horreur tiré d’un fait divers (un psychopathe-fermier s’amuse avec des jeunes touristes, doux scénario), le cratère mesure 850 mètres de largeur, sur 50 mètres de profondeur et serait, pour les Aborigènes Jaru de la région, la marque du serpent arc-en-ciel.

Les heures et les kilomètres défilent sur la Great Northern Highway… sans aucune localité en vue. Soudain, 300 kilomètres après Halls Creek, surgit Fitzroy Crossing. Avec le plus vieux pub de la région, le Crossing Inn, la petite bourgade ne donne pas vraiment dans le tourisme mais dans l’authenticité.

Wolfe Creek Crater - Western Australia
Wolfe Creek Crater – Western Australia

C’est surtout par ses parcs nationaux qui l’entourent que le bourg devient intéressant. Au nord de la ville, se situe la Geikie Gorge, et par une route reliant l’Highway à la Gibb River Road, les parcs nationaux de Tunnel Creek et Windjana. Fermée durant la saison humide (mi-novembre, mi-avril), la Gibb River Road, qui relie Kununurra à Derby, aventureuse et rock’n roll, n’est praticable qu’en 4×4.

« Pendant trois ans, la police traqua Jandamarra, sans succès. Pour les membres du clan Bunuba, l’ancien traqueur était un esprit immortel avec des pouvoirs magiques. »

Bienvenue dans un pays de crocodiles. En s’aventurant dans les gorges du Windjana National Park près de la Lennard River, les chances d’apercevoir un crocodile d’eau douce (les gentils, ceux qui ne mordent pas) à l’état sauvage, sont plutôt bonnes. À Tunnel Creek, une galerie creusée par la rivière, peut être parcourue en saison sèche, les chauves-souris et l’eau froide vous accompagnant sur les 750 mètres du tunnel. L’endroit est le lieu de décès du traqueur Jandamarra, icône de la résistance aborigène aux colons blancs.

À la fin du 19e siècle, les relations entre les Bunuba et les colons étaient désastreuses. Jandamarra travaillait alors avec la police blanche et un dénommé Richardson, afin de traquer les Bunuba récalcitrants. Rencontrant son guide initiatique comme prisonnier, Jandamarra choisit de changer de camp et tua Richardson dans son sommeil. Il libéra par la même occasion tous les détenus de la prison de Lillimooloora.

En 1894, Jandamarra et son équipe attaquèrent 5 hommes blancs et en tuèrent deux, Burke et Gibbs. Pour la première fois dans l’histoire australienne, des armes sont utilisés en bande organisée contre des colons blancs.

Pendant trois ans, la police traqua Jandamarra, à la tête d’une guérilla, sans succès. Pour les membres du clan Bunuba, l’ancien traqueur était un esprit immortel avec des pouvoirs magiques. Le 1er avril 1897, il fallut l’intervention d’un autre traqueur aborigène, Micki, pour mettre fin à la cavale de Jandamarra, dans la galerie de Tunnel Creek.

Islands of Australia

Autres curiosités du Kimberley, les chutes horizontales (qui sont en fait des marées) de l’archipel des Boucaniers, près de la ville de Derby ; mais aussi la péninsule de Dampier, aux abords de Broome. Difficilement accessible car reliée à Broome par une piste cahoteuse pour 4×4 et limitée par l’obtention d’un permis pour rentrer sur un territoire aborigène, la péninsule vaut néanmoins le détour pour ses plages, ses coraux, sa culture indigène et sa faune unique (le bilby). Peut-être simplement pour la tranquillité d’une place ménagée des touristes.

Une plage idyllique, une bière mythique et un cinéma historique

Cable Beach, au coucher du soleil. Sur un rocher, un couple déguste une bouteille de vin rouge, les pieds nus effleurant le sable blanc. Le soleil orange commence à se glisser derrière l’océan Indien. Au bout de l’immense plage, les rochers sont rouges. Dans un dédale de couleurs, Cable Beach ne ment pas à sa réputation, celle de figurer parmi les plus belles plages du monde et fait partie de l’identité de Broome, autant qu’elle assure sa promotion touristique.

« Broome est au Kimberley ce que Singapour est à l’Asie du sud-est »

Capitale du Kimberley, Broome n’a pas grand-chose à voir avec la région qu’elle administre avec dynamisme. Entendu sur un arrêt de bus par une apprentie médecin : « Broome est au Kimberley ce que Singapour est à l’Asie du sud-est ». Autrement dit, une ville flamboyante et touristique au milieu d’une nature riche et sauvage. Mais même avec tous les préjugés du monde, difficile de ne pas trouver du charme à la petite ville de 15 000 habitants. Riche d’un passé perlier – Broome fut la capitale mondiale au début du 20e siècle – la ville a attiré entrepreneurs et commerçants en provenance de Chine et du Japon notamment. Résultat, le centre-ville est aujourd’hui un petit Chinatown, et l’architecture, des maisons aux cabines téléphoniques, détient un dépaysant charme oriental.

Désertée en saison humide, Broome peut au contraire déborder d’énergie en saison sèche. La liste des festivals d’avril à novembre est impressionnante et variée : d’un festival japonais à la célébration de la mangue, en passant par un opéra sous les étoiles.Sur Cable Beach, les promenades à dos de chameau au coucher de soleil font fureur.

Promenade en chameau sur la plage de Cable Beach
Promenade en chameau sur la plage de Cable Beach

Dans le centre, les joailliers affichent leurs plus belles perles et les galeries d’art aborigène foisonnent… Quand les cafés originaux et les libraires se chargent de l’ambiance bohème. Pour se loger, le YHA de la ville, le Kimberley Club, propose une auberge d’un excellent rapport qualité-prix (à partir de 19$ en étant membre), avec verre de bienvenue, piscine de luxe, bar, salon cosy…

À Broome, il y a cette bière de légende… Le Matso’s, bar-restaurant à Roebuck Bay, distille cette incroyable bière blonde, la Monsoonal, qui rappelle quelques souvenirs belges. Sans oublier ses petites sœurs aromatisées au piment, au gingembre ou encore à la mangue… La légende continue avec le Sun Pictures, le plus vieux cinéma en plein air du monde (1916). Les portes du bâtiment, encore d’époque, s’ouvrent sur des étoiles, celles des affiches du Parrain, de La Vie est Belle et du ciel de Broome.

Sun Pictures, le plus vieux cinéma en plein air du monde
Sun Pictures, le plus vieux cinéma en plein air du monde

Des projecteurs d’époque assurent la décoration, en dessous des portraits de Marlene Dietrich ou de Marylin Monroe. Paisiblement installé sur un transat, l’écran géant dévoile les dernières sorties. Parfois, une chauve-souris s’envole et étend une ombre sur la toile… Les moustiques piquent et les avions atterrissent à quelques mètres… Mais le charme opère.


Aller plus loin

Purnululu National Park 

Matso’s 

Sun Picture 

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