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25 avril 2024

Article LE MONDE 06/01/04

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    Caroline
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    L’Océanie s’ouvre au monde et à l’art contemporain
    LE MONDE | 05.01.05
    Les jeunes artistes intègrent des éléments traditionnels et des influences étrangères.
    Sydney de notre correspondant

    Josaia McNamara vit de son art depuis 1998. Le fait même de parvenir à boucler ses fins de mois dans ce métier est déjà une performance en soi. Ce Fidjien âgé de 30 ans est peintre contemporain. « Dans mon pays, nous ne sommes que trois ou quatre artistes spécialisés dans l’art contemporain qui arrivons à survivre grâce à la vente de nos œuvres », explique ce grand timide. Ce nombre certes faible symbolise pourtant un phénomène profond qui s’empare depuis quelques années de toute l’Océanie. L’art contemporain commence à gagner ses lettres de noblesse dans le Pacifique sud.

    La définition même d' »art contemporain » dans cette région peut être sujette à des malentendus en Europe. « Nous appelons contemporaine toute pièce qui utilise des matériaux qui ne sont pas traditionnellement travaillés dans notre pays, comme le métal ou le plastique, note Sandy Adsett, un peintre néo-zélandais qui a créé l’Ecole des arts visuels contemporains maoris de Toimairangi. Des dessins traditionnels comme ceux que nous utilisons dans nos tatouages deviennent contemporains dès le moment où on les applique sur des supports inédits comme des vêtements. Les paniers colorés sont aussi considérés comme contemporains chez nous car dans le passé nous ne teignions pas les fibres tressées. »

    La Nouvelle-Zélande et l’Australie ont été les deux premiers pays de la région à se lancer dans l’art contemporain. Certaines communautés aborigènes ont commencé à produire des œuvres très originales qui s’écartent du pointillisme cher aux tribus du centre de l’île. Des artistes travaillent également de nouvelles matières comme le verre soufflé. « Dans les arts visuels, nous avons atteint un stade de développement bien supérieur à ceux des autres pays océaniens, résume Cathy Craignie, l’ancienne directrice de l’école d’art aborigène et des îles du détroit de Torres en Australie. Mais nous souhaitons partager nos connaissances. »

    L’intérêt pour l’art contemporain s’est surtout manifesté chez les jeunes de la région. « Dans le passé, nos jeunes avaient honte d’être maoris mais aujourd’hui ils souhaitent de plus en plus afficher leur identité, ajoute Sandy Adsett. L’art est pour eux un moyen d’affirmer leur présence. Nous avons ainsi 1 000 étudiants qui suivent notre formation sur l’art contemporain dans notre institution d’Hamilton. Et, chaque année, le nombre de candidats augmente. L’art contemporain leur donne la liberté de s’exprimer. Beaucoup d’entre eux trouvent que l’art traditionnel est trop limitatif, car il est généralement contrôlé par les anciens. »

    QUELQUES RÉSISTANCES

    La plupart des artistes du Pacifique ne rompent pas pour autant avec la tradition, et l’intègrent au contraire à leurs œuvres. « Il est important pour moi d’introduire des éléments traditionnels dans mes créations afin de montrer au public mon identité. Je ne veux pas perdre mes origines, souligne Asahel Naivolasiga, un jeune danseur fidjien âgé de 26 ans. Mes chorégraphies peuvent mêler de la musique traditionnelle avec des mouvements très contemporains. Je m’inspire aussi de certaines choses que je vois à la télévision sur des chaînes comme MTV. »

    L’ouverture de l’Océanie vers le reste du monde explique en grande partie l’essor de l’art contemporain dans ce continent. « Les gens étudient et voyagent de plus en plus à l’étranger, explique Chantal Spitz, une écrivaine de Tahiti. Et ils reviennent de leurs périples avec de nouvelles idées qu’ils essayent d’utiliser dans leurs œuvres. » Une évolution qui n’est pas toujours bien acceptée par certains chefs de tribu. « Les anciens sont méfiants lorsqu’on leur présente une œuvre contemporaine, reconnaît Poema Adams, une artiste polynésienne qui sculpte, peint et fabrique des bijoux. Mais ce phénomène ne va pas s’arrêter pour autant. »

    Pour Tonu Shane Eagleton, un artiste néo-zélandais qui travaille aujourd’hui à l’université d’Hawaï, « aucun artiste traditionnel dans le Pacifique ne pourra survivre sans incorporer dans ses pièces des éléments contemporains. Et aucun artiste contemporain ne pourra travailler sans connaître ses racines culturelles ».

    Ces nouveaux artistes océaniens manquent cependant encore de visibilité et de moyens. « Je ne reçois aucune subvention », se lamente Josaia McNamara. Mais certaines initiatives pourraient changer les choses. « Nous allons inviter à Hawaï vingt-cinq à trente artistes contemporains originaires de tout le Pacifique afin de leur apprendre à créer un business autour de leur art, indique Tonu Shane Eagleton. Nous allons leur montrer comment vendre leurs œuvres en Europe et en Amérique. »

    Pour Poema Adams, les autorités ne pourront longtemps rester indifférentes à cette nouvelle tendance. « Les hommes politiques des pays de la région vont forcément être de plus en plus disposés à aider financièrement les artistes contemporains, car beaucoup de jeunes s’intéressent à cette forme d’expression et, les jeunes, ce sont des voix aux élections. »

    Frédéric Therin

    • ARTICLE PARU DANS L’EDITION DU 06.01.05

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