Eddy Mabo

Une histoire des aborigènes pour aller au delà des lieux communs, des a priori sur ce sujet ô combien sensible en Australie. La reconnaissance de ce peuple, des ces peuples, et le processus de réconciliation sont en route, mais il reste beaucoup à faire pour préserver cette culture unique, au delà des images caricaturales et touristiques. Superbe travail de recherche et de rédaction par Caroline Simon.

Allez, on se détend, après cette petite chronique d’une catastrophe annoncée dans la partie la colonisation , on va se pencher un peu sur tout le bien qui peut ressortir de cette histoire, sur les changements qui ont lieu  » Down Under « , sur les nouveaux espoirs de réconciliation !

Ce sera beaucoup plus agréable, au moins aussi intéressant, et on va se rendre compte que l’Australie est un pays bien en avance sur pas mal de points. Il s’y passe des choses qui valent vraiment le détour, notamment sur le plan humain !

Deux aborigènes qui se battent : Mabo et Wik

Puisque c’est encore frais dans vos esprits éclairés, causons droit, terre, etc. Attention, changement !

Notamment suite au Jugement Mabo de 1992, à la Loi sur le Titre Indigène de 1993 et le Jugement Wik de 1996. Mabo, Mabo, Mabo… C’est quoi ?

Deux choses. Un homme avant tout, Eddie Mabo, qui s’est battu pour les droits territoriaux de son peuple et, « accessoirement » ou presque, la décision de la Haute Cour datant de 1992 qui a entériné le droit de ce peuple de Mer/Murray Island à vivre selon une organisation territoriale antérieure à l’arrivée des Européens.

Ce qui signifie en gros… Le rejet du fameux principe de « terra nullius ». Suite à cela, dans la Loi sur le Titre Indigène votée en 1993, le Parlement reconnut que le titre indigène pouvait subsister partout en Australie, excepté là où il avait été clairement éteint.

Terra Nullius

La Loi sur le Titre Indigène prit effet au 1er janvier 1994 et instaura un système de détermination des détenteurs du Titre Indigène. Ceux-ci se trouvaient donc en droit de négocier avec les compagnies minières, à la fois lors des phases d’exploration et de développement d’un projet. Elle validait des dons passés de terres, etc. Okay, on s’arrête là, avant que ça ne devienne trop touffu, l’essentiel est dit, et puis le droit, c’est mauvais pour l’audimat…

mine australie

Et Wik alors, me direz-vous peut-être ? Cette fois, ce sont surtout des hommes et toujours aussi peu « accessoirement », une décision de justice.

En 1996, deux groupes prétendant au titre indigène, les peuples Wik et Thayorre affirmèrent que le Titre Indigène n’avait pas été éteint par la cession de leurs terres au titre de bail pastoral par le gouvernement du Queensland. Il s’ensuivit que l’accord d’un bail pastoral ne signifiait pas nécessairement l’extinction du titre indigène. La coexistence des deux était possible. La Cour décida que s’il y avait conflit dans l’exercice de ces droits, les droits du titulaire du bail pastoral prévaudraient sur ceux du détenteur du Titre Indigène.

carte Australie
Terres aborigènes

Problème… À la suite de l’affaire Wik, certains agriculteurs, compagnies minières et états ont commencé à exiger une loi qui éteindrait ce titre, sur les baux pastoraux.

Oui, mais voilà, de telles lois iraient clairement à l’encontre de la Loi sur la Discrimination Raciale, en particulier la section 10 (d’après laquelle la discrimination raciale est interdite, notamment en cas d’accession à la propriété et de privation arbitraire de la propriété).

Puis parlons peu, parlons bien, ça déboucherait sur de généreuses compensations financières en direction des bénéficiaires du Titre indigène, obligation constitutionnelle à laquelle le Commonwealth d’Australie est assujetti. C’est donc le Gouvernement Howard qui s’y est collé… Il a tenté d’aider les intéressés dans l’application de cette décision de la Haute Cour, et ce par un Plan en Dix Points. Cependant, d’après une partie de la population australienne, ce plan aurait virtuellement éteint le droit indigène, et au contraire, en augmentant ceux des agriculteurs, etc. aurait commué leur baux en propriété foncière.

Le Groupe National de Travail Indigène (les représentants officiels des Aborigènes) pense pour sa part que ces problèmes ne peuvent être résolus que par concertation entre Aborigènes et agriculteurs.

Dans l’ensemble donc, le tableau est bien moins sombre, mais quand on choisit la voie démocratique, le chemin est forcément tortueux, les compromis difficiles à trouver. L’essentiel, c’est qu’il y ait discussion, déjà, non ? C’est un grand progrès, vous ne trouvez pas ?

Avant d’aller plus loin sur les progrès accomplis et histoire de ne pas les oublier, on va se pencher un peu sur les protagonistes :

À part Mabo et quelques autres, beaucoup d’Aborigènes se sont engagés. En voici quelques uns.

David Unaipon, né en 1876, est le véritable précurseur du combat pour la cause indigène… Sans succès auprès des Européens. Il était écrivain, conférencier, inventeur (à l’époque, malheureusement, les brevets de ses inventions ont été attribués à des Australiens blancs). C’est lui, sur les billets de 50AU$, si vous avez la chance d’en avoir un dans le porte-monnaie ! À travers ses nombreux voyages, il a réussi à faire connaître sa culture.

Quelques années plus tard, en 1938, Billy Fergusson, publie son Aboriginal Manifesto. Il y évoque les problèmes liés à la présence simultanée sur un même territoire de différents peuples et y fait trois propositions fondamentales : droit à l’intégration pour les Aborigènes, droit aux mariages mixtes et droit à la même éducation pour tous.

Namatjira eut encore plus d’influence. Originaire d’Hermannsburg, il enseignait les techniques artistiques séculaires des Aranda. Son style poignant et son intelligence lui ont valu la citoyenneté australienne plus de dix ans avant l’application de la loi ! Probablement déchiré, pris entre deux systèmes, il est décédé en 1957 et sa mort a beaucoup poussé au changement.

Ensuite, fin des années 1950, fondation du  » Federal Council for the Advancement of Aborigines and Torres Strait Islanders « , qui devint le premier forum si influent. À cette époque, Charles Perkins était actif en Nouvelle-Galles du Sud, Vincent Lingiari et le peuple Gurindji de Wave Hill ont marché (méthode Martin Luther King) jusqu’à Waddi Creek pour manifester en faveur du droit à la terre.

1971, nouvelle étape : Neville Bonner, premier Aborigène élu au Parlement.

Bonner

1976 : l’avocate Pat O’Shane première Aborigène admise au Barreau. Autres noms célèbres: Patrick Dodson, bien sûr, qui, après des années de lutte, devint directeur de l’Australian Council For Reconciliation, et Aiden Ridgeway, du Part Démocrate, qui fut récemment élu sénateur.

Copyright photos : Wikipedia, Indqvist, Sven, 2007, Terra nullius, Ed. des Arènes, national archive of australia National archive of australia, sbs

Texte : Caroline Simon

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