Mon job Australie : Faire des vendanges en Tasmanie

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La vue du vignoble au lever de soleil, pas mal comme bureau!
La vue du vignoble au lever de soleil, pas mal comme bureau!

J’ai toujours voulu faire les vendanges en France mais les dates ne collaient jamais avec la reprise de la fac. J’ai donc sauté sur l’occasion quand des amis m’ont dit que le vignoble où ils travaillaient recrutait pour les vendanges. Je suis allée à Launceston les retrouver, le travail commençait quelques jours plus tard. La région de la Tamar Valley au Nord de Launceston est réputée pour ses vins, c’est l’endroit idéal pour trouver un job car il y a des dizaines de vignobles sur les rives de la rivière Tamar et autour.

Je vais travailler pour Josef Chromy, un vignoble réputé et très chic situé au sud de Launceston en Tasmanie. Mais j’ai un gros handicap pour le travail en ferme, je n’ai pas de voiture. Avec un peu de débrouille et de la chance, je réussis à trouver à la dernière minute un couchsurfer qui travaille à côté des vignes, commence à la même heure que moi et peut me conduire. Je ne sais pas encore comment faire pour le trajet de retour mais je trouverais… On commence le travail à 7h et personne ne connaît le nombre d’heures qu’on va faire par jour, ni le nombre de jours de travail qu’on aura. C’est la première fois que je fais les vendanges, j’ai hâte de voir ce que ça va donner !

Briefing avant la récolte

Il fait encore nuit quand j’arrive avec Rich, mon couchsurfer, d’autres voitures se garent une par une. Je retrouve Andrew, le manager du vignoble, à son bureau. Je ne l’avais pas encore rencontré, on avait juste échangé par texto pour l’instant. Il me dit bonjour rapidement puis me tend une liasse de papiers à lire et à remplir pendant la pause déjeuner : le contrat de travail, des documents sur la sécurité, l’attitude à avoir et même une feuille sur les échauffements à faire avant de commencer la cueillette ! On ne rigole pas ici, c’est une grosse exploitation.

Au total une quarantaine de saisonniers sont rassemblés autour des vignes. Andrew fait un petit speech d’introduction. Il explique que pour la première fois cette année on va être payés à l’heure, 20,67 dollars de l’heure. Normalement ils rémunèrent 2 dollars le seau de raisin récolté mais cette année comme la saison n’est pas bonne, il y a peu de raisin et les grappes sont petites. Tant mieux pour nous, on a un salaire assuré, en espérant avoir pas mal d’heures à faire. On nous distribue sans perdre de temps nos outils de travail : un gilet jaune fluo de sécurité, des gants en latex, un sécateur et deux seaux. C’est parti, les backpackers sont lâchés dans les longues rangées de vignes !

Pickers en tenue de combat, parés à cueillir un maximum de raisins
Pickers en tenue de combat, parés à cueillir un maximum de raisins

La paye à l’heure mieux qu’au seau

On bosse en équipes de deux, côte à côte ou en face l’un de l’autre, de chaque côté de la vigne. J’ai demandé à une petite blonde, Anna, si elle voulait être ma « partner » et bonne pioche, c’est une tasmanienne très sympa qui vient ici chaque année se faire des sous. On discute tout en attrapant des grappes, en les coupant et en les jetant dans nos seaux à un bon rythme. Elle me raconte que c’est beaucoup mieux de travailler comme ça à l’heure parce que quand la paye est au seau, les gens se battent pour les plus grosses grappes, se piquent les seaux et revendiquent les seaux des autres… Bon esprit ! Je suis bien contente que ce ne soit pas le cas cette année, j’aurais eu du mal à supporter une compétition malhonnête. Là, tout le monde fait connaissance, il y a pas mal de Français : une quinzaine sur la quarantaine de saisonniers. Il y a aussi quelques Italiens, une Allemande, des Erythréens et Soudanais émigrés en Australie et des Taïwanais.

On travaille vite, après avoir monté et descendu deux rangs, on fait une pause vers 9h. Le temps de prendre un snack et de boire, quinze minutes puis on reprend. Le boulot n’est pas très dur physiquement, je suis surprise. Je m’attendais à me casser le dos mais les vignes sont hautes, près de 2 mètres, donc la plupart du temps le raisin est à portée de main. Il faut juste se baisser de temps en temps ou enfoncer ses bras dans les vignes quand les grappes sont de l’autre côté. Une Française qui travaillait dans un vignoble avant de venir en Australie me confirme que les vendanges sont beaucoup plus faciles ici qu’en France, où les pieds de vigne sont bas. Elle ajoute que c’est pour ça qu’on a un vin de meilleure qualité aussi, cocorico !

On refait une pause vers 12h, avec trente minutes pour déjeuner. Je rejoins mes amis Allemands et Italiens qui connaissent l’équipe australienne car ils travaillent ici depuis trois semaines. C’est bizarre, il y a comme une frontière invisible entre les saisonniers qui déjeunent près de leur voiture/van et les Australiens qui travaillent ici à l’année. On voit que ce sont des habitués, ils ont leur territoire à l’ombre des vignes, les chaises pliantes déployées et le thermos de café en main. Ce sont un peu les parrains du vignoble. Je m’introduis dans le cercle près de mes amis (je ne voudrais pas provoquer les parrains avec un excès de familiarité…) et entame la conversation.

La journée de travail soumise aux caprices de la météo

C’est sympa de se mélanger avec les locaux et j’en apprends plus sur le vignoble. C’est aussi pratique pour avoir des infos sur le travail qu’on a fait et ce qu’il reste à faire. Autrement, on est au courant de rien, on ne sait pas combien d’heures de travail on a par jour. Ça peut changer en fonction de notre efficacité, si le vigneron décide qu’il a assez de raisin pour la journée ou selon la météo. Un jour par exemple, la pluie a commencé à tomber une heure après notre arrivée. Le manager nous a demandé de travailler encore un peu avant de nous renvoyer chez nous en fin de matinée. Pas très rentable comme journée de boulot… Beaucoup sont déçus du nombre d’heures qu’on fait par jour : six heures maximum ce n’est pas beaucoup quand il faut de toute façon payer le logement et la nourriture.

Un camion nous suit dans les rangs pour ramasser le contenu des seaux
Un camion nous suit dans les rangs pour ramasser le contenu des seaux

Au fil des jours une bonne ambiance se créée. On rigole avec les « bucket boys », qui ont la dure tâche de faire des allers-retours dans les rangs de vigne pour ramasser nos seaux et les vider par-dessus les vignes dans un camion qui avance au rythme de la cueillette. C’est un peu sexiste de ne prendre que des hommes pour faire ça mais j’avoue que ça m’arrange bien pour une fois !

Dans notre équipe, c’est Jérémy, un Français, qui s’y colle. Anna ma partner de cueillette essaie d’apprendre un peu de français et tente de dire « je voudrais un seau ! » à Jérémy. J’ai beau lui dire que seau se prononce comme « soap » mais sans le –p, elle le prononce « Je voudrais un sou ! », ça nous fait bien marrer. Un taïwanais essaie aussi d’apprendre quelques mots et je lui demande quelques mots en mandarin. Du coup quand il m’apporte un seau vide je lui dis « xie xie » et il me répond « de rien » en souriant. Ça rend le boulot bien plus sympa ce mélange de cultures !

Après le travail, la team France se retrouve aux douches publiques des gorges de Launceston puis à la bibliothèque pour l’habituel rendez-vous Internet/chargement des téléphones. Un campement d’irréductibles gaulois a été improvisé à quelques kilomètres du vignoble. Cette année, pour la première fois, les pickers n’ont pas le droit de planter leur tente dans le vignoble. Dommage car ça aurait été l’occasion d’échanger plus avec les autres saisonniers.

Ma tente plantée dans le parc le temps des vendanges...
Ma tente plantée dans le parc le temps des vendanges…

C’est déjà sympa de se retrouver à neuf au même endroit. Certains dorment dans leur van, leur voiture ou en tente comme moi. On dîne ensemble autour des tables de pique-nique et du barbecue disponible dans le parc où on se gare pour la nuit puis on part tous en convoi le matin au boulot à 6h30. Comme le travail est répétitif, on se divertit comme on peut une fois l’excitation des premiers jours passée. Jérémy lance un blind test musical en sifflant des airs qu’on tente de reconnaître. Entre deux grappes jetées dans les seaux, des pickers crient « Abba » ou « Les démons de minuit ». Le répertoire est varié, il y a de quoi tenir des heures !

Mais à la fin de la sixième journée de travail, Andrew nous rassemble pour nous annoncer… qu’il n’y a plus de travail ! Déception pour ceux qui se sont déplacés jusqu’ici pour les vendanges. Ne faire que six jours de boulot avec peu d’heures par jour c’est un peu léger.

Du coup c’est le branle-bas de combat parmi les saisonniers. Tous se lancent immédiatement dans des recherches Internet et passent des coups de fil aux fermes dont ils ont déjà le contact. Certains visent la récolte de patates ou la cueillette de pommes, d’autres ont entendu dire qu’il y avait de l’argent à se faire dans les fermes de houblon… Moi j’ai un plan pour aller à la pêche aux ormeaux sur un bateau partant de Hobart vers la côte ouest. Fin des vendanges, chacun reprend une route qui mènera vers d’autres jobs, d’autres rencontres et si possible plus d’argent !

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5 Commentaires

  1. Les vendanges ça ne dure jamais des mois 😉 Le vignoble m’a d’ailleurs rappelée par la suite pour me proposer de continuer un peu car d’autres sortes de raisins étaient mûrs. Mais ça n’est pas important car l’idée de l’article est d’expliquer en quoi consiste un job, les démarches pour le trouver, raconter une expérience et la faire partager pour que les futurs whv aient une idée de ce qui les attend par exemple. Et c’était un très bon job donc une expérience que je recommande. Je ne cherchais pas à rester dans un vignoble mais d’autres ont réussit à continuer les vendanges ailleurs, chacun son expérience 🙂

  2. Oui même une heure serait une expérience 🙂 Ca fait presque un an que je suis là, Tourism Australia m’a fait venir car j’étais parmi les finalistes du Best Jobs in the world. Je n’ai eu que de bonnes expériences jusqu’ici… Merci de t’en inquiéter mais je n’en ai pas du tout bavé!