Kinchega National Park, un trésor de peintures aborigénes

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Kinchega National Park
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De la relative oasis de Mildura et des rives du fleuve Murray, un long ruban d’asphalte s’élance à travers l’immensité plate de l’outback en direction du nord et de Broken Hill. Ici, un horizon de plaines s’étend à l’infini où que le regard se tourne et les milans noirs (« black kites« ) cerclent le ciel autour d’une carcasse de kangourou.

L’outback, lui, est étonnamment verdoyant, suite à des pluies qui pourraient être à la fois une bénédiction et une malédiction pour le voyageur. Ma destination ? Les lacs de Menindee, dans le Kinchega National Park. Je dévie de l’autoroute pour rejoindre la route de terre qui traverse le parc, et la vaste étendue des lacs ouvre soudain mon horizon à de nouvelles perspectives : d’une oasis à une autre, me voici à nouveau le témoin d’une abondance relative et saisonnière.

Kinchega National Park

Ces lacs, il y a quelques années, étaient à sec, une réalité difficile à appréhender quand l’eau s’étend maintenant si loin qu’on ne peut distinguer l’autre rive. Mais cette bénédiction a un prix. Alors que je m’engage dans ces terres enchantées peuplées de hordes d’émeus et de kangourous, je découvre vite le revers de la médaille : toutes les autres routes du parc sont fermées à cause de la pluie et il m’est impossible de pénétrer dans ses profondeurs ou de rejoindre les aires de camping qui s’y cachent.

Je ne suis pas seule dans cette situation : un autre véhicule piloté par Vince et Phil, un couple australien, la cinquantaine, dresse le même constat que moi. On s’égare chacun de notre côté à la recherche d’un endroit où dormir, et finissons par partager le Campsite 1, le seul recoin encore accessible du parc, sur les bords d’un étang où un tuyau de régulation relie la Darling River aux lacs, qui sont contrôlés par l’homme. Juste à temps : le soleil se couche et embrase la cime des arbres, déclenchant un paisible incendie de couleurs tout autour de nous et sur les eaux du lac Menindee, de l’autre côté de la route. Avec Vince et Phil, on partage saucisses grillées, sauce tomate et pain de mie autour d’un feu de camp sous les lumières de la voie lactée.

Kinchega National Park

Le lendemain, l’atlas est un dilemme : continuer ma route ou revenir en arrière pour marcher le long des routes du parc, à défaut de pouvoir les conduire ? Je choisis la seconde option et bien m’en prend : le Lake Drive qui mène au lac Cawndilla et son aire de camping sont maintenant ré-ouverts ! Je m’engage sur cette route de tôle ondulée avec joie… et modération : il est encore tôt et de nombreux kangourous sont de sortie, dont quelques-uns qui bondissent à travers la route au dernier moment. Ce sont là les kangourous de l’outback : les red kangaroos, qui sont les plus grands de tous. Et si la plupart des mâles ont le pelage roussi que laisse soupçonner leur nom, de nombreuses femelles ont, quant à elles, une fourrure gris bleutée qui leur vaut le surnom de blue flyers.

Kinchega National Park

Le ciel est gris et nuageux, mais sur les rives sablonneuses du lac je découvre un nouveau petit paradis d’oiseaux : aigrettes, hérons, rapaces et perroquets habitent ces terres dont la soif est momentanément satisfaite et je compte plus d’une demi-douzaine d’espèces en une courte promenade, sans oublier un couple de kangourous qui broute parmi les herbes hautes – cette fois, des western greys à la fourrure brune. En début d’après-midi, le vent achève de repousser la couverture des nuages et le soleil, le sable, l’eau et la douce brise qui agite les feuilles me donnent la sensation d’être à la plage… au beau milieu de l’outback !

Kinchega National Park

D’autres visiteurs apparaissent bientôt : le pépiement que je prenais pour celui d’un galah (cacatoès rose et gris très commun) est en réalité celui de Major Mitchell’s Cockatoos, de magnifiques cacatoès au plumage rose pâle et à la crête rouge tranchée de jaune. Ils sont trois et semblent habiter les arbres de la rive, où de nombreux creux dans les troncs forment de parfaits nids naturels.

Kinchega National Park

Ces cacatoès n’habitent que l’intérieur reculé du pays et les voir est donc plutôt rare. Mes autres visiteurs, eux, sont humains : une petite armada de 4×4 a envahi le camping. Ils sont australiens et tous dans leur cinquantaine ! Les jeunes et les étrangers n’osent-ils donc plus s’aventurer dans l’outback ? 😉 Je sympathise avec plusieurs d’entre eux et nous assistons ensemble à un somptueux coucher de soleil où toute l’étendue de l’eau comme du ciel brûle de vermeil à cramoisi.

Au matin, je prépare café et pancakes pour John, Jan, Alex et Liz, le groupe qui a gentiment partagé son feu de camp et ses apéritifs avec moi la veille. Qui a dit qu’outback était nécessairement synonyme de solitude et de privation ? Ensemble, nous allons explorer le Woolshed, le bâtiment où étaient tondus les moutons lorsque ce parc était encore une station, une vaste ferme d’élevage. Sur la route, j’ai la surprise de croiser deux shinglebacks, de gros lézards à la langue bleue. Le Woolshed, lui, fait de tôle et de bois, témoigne d’un autre temps, d’une époque où optimisme et profond désespoir étaient étroitement liés dans la conquête de l’outback, dans le but d’établir (en vain) vergers et potagers sur ces terres arides.

Kinchega National Park

Non loin de là coule le Darling et ses eaux troubles cheminent entre de hautes berges argileuses et dénudées qui laissent aisément deviner le flot vif qui peut parfois s’y déverser. Ici, le paysage est différent, une forêt sèche dont le sol est couvert des branches et débris tombés des gros river red gums qui bordent la rive. Quand la sécheresse bat son plein, ces eucalyptus accusent le coup en laissant choir une grosse branche sans préavis, dans le but d’économiser de précieuses ressources. Contrairement aux hommes, les arbres du Darling ne comprennent que trop bien le cycle de manque et d’abondance.


PRATIQUE CORNER

  • Kinchega National Park se trouve à environ 280 km au nord de Mildura. Suivez la Silver City Highway (B79) en direction de Broken Hill, puis bifurquez à droite vers Menindee.
  • Pour pénétrer dans le parc, on vous demandera des droits d’entrée de $8/véhicule/jour. Il y a deux sites de camping principaux : sur les rives du Lake Cawndilla ou le long de la Darling River.
  • Il n’existe aucun chemin de randonnée balisé dans ce parc, mais deux scenic drives : le Lake Drive (40 km) et le River Drive (20 km).
  • Vous trouverez des douches chaudes à côté du centre d’information, utilisables moyennant un petit don ($1 ou $2) dans la boîte à l’entrée.
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4 Commentaires

  1. Maginifique !

    Décidément, tous tes billets donnent envie de délaisser la côte Est apparemment trop souvent empruntée par les backpackers, pour aller découvrir l’outback… Et je pense que c’est par là que j’irai m’aventurer dès que je poserai le pied là-bas !

    Merci 😉

  2. Très belles photos, le héron près à se poser est superbe !

    Et en réponse au premier commentaire, bien sûr qu’il ne faut pas se limiter à la côte Est, mais je dois dire que tes articles donnent aussi envie de quitter à nouveau la France pour retourner découvrir l’Australie, tellement vaste qu’il faudrait une vie pour en visiter tous les recoins…

    Merci de nous le faire partager.

  3. Je suis bien d’accord avec toi Sam, et j’ajouterais meme qu’une vie ca ne suffirait toujours pas ! La richesse et la diversite de ces pays n’ont de cesse de me rejouir et me surprendre un peu plus tous les jours… et c’est pourtant ma 3eme annee en ces terres 😉

    Pour ce qui est de la cote est, personnellement je trouve qu’il ne faut pas la rejeter sous le pretexte du « c’est trop touristique ». J’entends tres souvent ce cliche, qui, certes, n’est pas totalement faux, mais je garde un excellent souvenir de mes semaines de roadtrip sur la cote du Queensland… le trop-plein de tourisme, c’est somme toute un fleau localise, meme sur la cote est il est possible de trouver des coins tres sympas et loin d’etre envahis. Tout comme la fameuse cote ouest si sauvage a des coins extremement touristiques (Monkey Mia…).

    Ou aller, c’est avant tout une question d’envie. L’outback et la cote, ce sont des paysages tres differents ! J’adore l’interieur des terres pour ma part car j’ai une faiblesse pour les paysages arides, mais les forets tropicales luxuriantes et les plages sublimes de la cote sont tout aussi splendides !